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Brexit: plus ça change…..

20 March 2018

Enfin une bonne nouvelle pour les entreprises dans le contexte déprimant du Brexit. Le Royaume Uni et l’Union Européenne ont (presque) finalisé les termes de l’accord de divorce et auraient trouvé un accord sur les termes d’une période de transition.

Concernant l’’accord de divorce, les questions des droits des européens et celle de la méthode de calcul de la facture du divorce seraient apparemment réglées. Reste l’épineuse question de la frontière irlandaise qui n’est pas résolue mais le Royaume Uni a dû accepter la solution « de dernier recours » proposée par l’UE (l’Irlande du Nord resterait dans l’Union Douanière avec un régime strict d’équivalence de réglementation) …sauf à trouver une autre solution miracle qui se matérialiserait dans l’accord commercial final.

L’accord sur la période de transition devrait être confirmé en son principe jeudi par le Conseil Européen. Il ne sera cependant définitif qu’après signature de l’accord de divorce : il est donc essentiel qu’un accord soit trouvé sur la résolution de la question irlandaise. Mais le Royaume Uni ayant accepté d’intégrer le « back-stop » il ne s’agira probablement que d’ajouter quelques lignes sur le désir commun des deux parties de trouver une solution technologique magique. Le Royaume Uni a fait des concessions considérables aussi bien dans l’accord de divorce qu’en ce qui concerne les termes de la période de transition et, comme l’a souligné Open Britain, un organisme favorable au maintien dans l’UE, contraires aux promesses des brexiteurs. En particulier:

  • Les britanniques et européens continueront à bénéficier de la liberté de mouvement. Et ce alors que les brexiteurs du gouvernement britanniques avaient promis mordicus qu’elle prendrait fin en mars 2019. Le Royaume Uni tente de présenter comme une concession en sa faveur le fait que les européens venant vivre au Royaume Uni devront s’enregistrer…une disposition expressément prévue par la directive européenne sur la liberté de mouvement qui pourrait d’ors et déjà être en application mais jamais utilisée auparavant par les britanniques.
  • La véritable négociation de l’accord commercial final entre le Royaume Uni et l’UE ne commencera qu’après mars 2019 (contrairement à ce qu’avaient promis les brexiteurs qui continuent à parler de période de « mise en œuvre » plutôt que de transition). Avant mars, il y aura un accord non liant indiquant, selon les termes de l’article 50 du Traité de l’UE, « le cadre des relations futures ». Tous ceux qui négocient des transactions commerciales mesurent pleinement le fossé qui sépare souvent l’accord final et les heads of terms négociées en début de négociation.
  • Le Royaume Uni va devoir respecter l’intégralité de la législation européenne pendant la période de transition et sera soumis à la juridiction de la Cour Européenne de Justice (où il n’aura plus de juge) contrairement là encore aux déclarations belliqueuses des brexiteurs;
  • Monsieur Gove, l’un des « brexiteurs-en-chef », Ministre de l’Environnement et de la Pêche avait également promis que dès mars 2019 le Royaume Uni reprendrait le contrôle de ses droits de pêche, un sujet particulièrement émotionnel dans le contexte du Brexit. Hélas, les pêcheurs d’Albion ont été sacrifiés. Tout au plus l’UE a-t-elle accepté de concéder que les quotas de pêche britanniques ne soient pas réduits pendant la période sans l’accord du Royaume Uni et que le Royaume Uni participe à la fixation des nouveaux quotas qui doit intervenir juste avant sa sortie. Les Fédérations des Pêcheurs s’estiment trahies.
  • David Davis et Liam Fox avaient prédit avec assurance qu’avant mars 2019 le Royaume Uni aurait signé des accords de libre-échange avec plusieurs pays qui rentreraient en vigueur immédiatement lors de la sortie du Royaume Uni. Hors non seulement cela n’est pas le cas mais pendant la période de transition le Royaume Uni peut négocier et ratifier ces accords mais pas commencer à les appliquer. En toute hypothèse il est fort probable que les pays en question voudront connaître la forme finale de l’accord RU/UE avant de ratifier quoique ce soit.
  • De plus le Royaume Uni sera obligé de respecter les termes des 700 et quelques accords de l’UE en place avec des pays tiers sur tous les sujets depuis le transport de déchets nucléaires jusqu’aux médicaments en passant par les produits alimentaires, le transport aérien et les Accords de Libre-Echange tels que ceux avec le Canada, la Corée et, récemment, le Japon. Mais les pays tiers signataires de ces accords n’ont pas l’obligation réciproque de permettre au Royaume Uni de bénéficier de leurs termes puisque le Royaume Uni n’est plus un état membre de l’Union avec laquelle ils ont été conclus. Le Royaume Uni a été réduit à demander à ces pays tiers de bien vouloir le traiter comme s’il était toujours un Etat Membre. On attend la réponse.
  • Bien entendu le Royaume Uni va continuer à verser des contributions à l’UE bien au-delà de 2019. Les échéances de la facture de divorce s’étalent sur de nombreuses années. De plus si la période de transition est étendue au prochain cycle budgétaire de l’Union après décembre 2020, le Royaume Uni devra payer pour l’accès au marché unique. Boris Johnson doit regretter son fameux « they can go whistle » (si l’on suppose que Boris Johnson est capable de regrets ce qui est peut-être optimiste).
  • Enfin le gouvernement avait prédit que la période de transition serait « d’environ 2 ans » et non strictement limitée dans le temps. En fait elle se terminera exactement à la date voulue par l’Union Européenne à la fin décembre 2020, date de la fin du cycle budgétaire européen. Il semble clair qu’elle sera prolongée et probablement plusieurs fois. Mais avant chaque prolongation le Royaume Uni sera au bord du précipice du « no deal » dont finalement, après mure réflexion, le gouvernement britannique n’est plus tellement certain qu’il soit préférable à un « bad deal »… Cela signifie que l’UE va contrôler le calendrier de la négociation de l’accord commercial final. Ceci lui donne un levier considérable.

Si l’on observe que l’UE n’a pas exactement de raisons d’accélérer la négociation, la position du Royaume Uni pendant la période de transition présentant de nombreux avantages pour les 27, force est de constater que le Royaume Uni a pratiquement sous-traité à l’Union Européenne la détermination de la date du vrai Brexit: pas celui largement virtuel de mars 2019. Mais celui qui interviendra lorsque l’accord commercial entre l’UE et le Royaume Uni aura finalement été négocié et pourra rentrer en application. Selon le dernier « buzz » à Bruxelles, lancé par le Parlement Européen, il pourrait s’agir non pas d’un Accord de Libre-Echange « classique » mais d’un Accord d’Association comme l’UE en a mis en place avec l’Ukraine et Israël. Un tel accord – dont l’avantage est qu’il est largement sui generis et peut couvrir tous les multiples aspects du Brexit y compris les questions de défense et sécurité - serait encore beaucoup plus vaste et complexe à négocier qu’un Accord de Libre-Echange. L’effilochage des fameuses « lignes rouges » de Madame May au cours de cette longue négociation est certainement une possibilité : qui à part quelques brexiteurs « purs et durs » va s’intéresser de près aux arcanes de la négociation ?

Pour les sociétés françaises implantées au Royaume Uni, celles qui y font commerce ou qui ont l’intention de venir s’y implanter, tout ceci est une très bonne nouvelle: si la transition est approuvée –ce qui semble très probable - le principal risque à court terme sera l’incertitude sur l’application des accords de l’UE avec des pays-tiers en cas de filiales britanniques faisant application de ces accords : par exemple une filiale exportant d’Angleterre en Corée. Mais pour le reste, la sortie de mars 2019 ne devrait pas provoquer de bouleversements au moins jusqu’à décembre 2020 (et peut-être pendant beaucoup, beaucoup plus longtemps).

Le BINO (Brexit In Name Only) semble avoir de beaux jours devant lui….

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